Comment échapper au « phénomène » qu’est la série « En thérapie », surtout lorsque l’on est psy?
Cette série, composée de 35 épisodes de moins de 30 minutes, diffusée sur Arte, rencontre un franc succès auprès du grand public.
Elle se déroule dans le cabinet d’un psychiatre psychanalyste à Paris, au lendemain des attentats du 13 novembre 2015. On y suit les séances de cinq patients : une chirurgienne en plein désarroi, un policier de la BRI traumatisé, une adolescente accidentée et un couple en crise.
Je vais partager avec vous quelques unes de mes remarques sur cette série. Promis, pas de spoilers!
Avant tout, faisons simple : j’ai aimé. Je craignais la caricature, mais on en est loin, et à plusieurs niveaux.
Les acteurs sont justes et brillants. Le casting est superbe, tant le psy (Frédéric Pierrot) que les autres (Mélanie Thierry, Reda Kateb, Clemence Poésy, Pio Marmaï, Carole Bouquet, etc.). Mention spéciale pour Céleste Brunnquell qui interprète une adolescente perturbée, championne de natation. Ils incarnent tous des personnages en pleine crise existentielle, ce qui n’est pas le cas d’une grande partie des patients, et heureusement!
Le travail des auteurs, scénaristes et réalisateurs est sérieux, respectueux de la démarche de consultation. Nombre d’éléments sont tout à fait réalistes, bien loin des clichés, et retranscrivent plutôt bien ce qui peut se passer dans le cabinet d’un psy. J’ai beaucoup apprécié le fait que l’on s’aperçoit que le psy est là pour guider, accompagner, soutenir le cheminement.
Cependant la part romancée est évidemment présente. Ceci n’est absolument pas une critique, il s’agit d’une série et non d’un documentaire. On peut le constater à travers certains dialogues, la richesse des échanges qui font que chaque séance est très dense. Dans la réalité, toutes les séances ne permettent pas de faire de tels bonds. C’est un travail qui peut être parfois long, et c’est souvent bien plus solide ainsi.
L’élément le moins réaliste à mes yeux est l’agressivité des patients envers le thérapeute. Ils le confrontent, le bousculent, le provoquent, le disputent. Il y a parfois ce sentiment que le patient est au-dessus du thérapeute.
Ceci n’arrive quasiment jamais. Les patients viennent chercher de l’aide, du soutien, un accompagnement, une main tendue… Ils auraient plutôt tendance à valoriser le thérapeute que l’inverse.
Sur ce point, l’image idéalisée du thérapeute par le patient, la série est intéressante car elle montre clairement les failles du psy. Il a une vie en-dehors de son fauteuil, il existe d’autres parts de lui, et elles ne sont pas toutes fortes et équilibrées. Il n’est pas qu’un sachant, point. La série le désacralise et je trouve cela rassurant.
Nombre de gens ne font pas nettement ou pas du tout la différence entre les psys (cf mon article « choisir son psy »): le psychanalyste, le psychiatre, le psychologue, le psychothérapeute, etc. Dans la série le thérapeute est un psychiatre psychanalyste, c’est-à-dire un médecin (qui peut donc prescrire des médicaments) avec une orientation psychanalytique. Ce n’est absolument pas mon cas. Je suis psychologue, hypnothérapeute, avec une orientation thérapies brèves. Je ne vais donc pas m’avancer sur la conformité de la série sur ce type d’accompagnement. Toutefois cela me semble peu probable qu’un psychanalyste interprète tant, évoque des éléments personnels, et permette un travail aussi rapide (presque un comble en psychanalyse!).
Il y a d’autres éléments avec lesquels je ne suis absolument pas familière : déterminer le prix de la séance en fonction du patient, avoir un divan dans son cabinet, etc. Tout cela n’est pas représentatif de ce que l’on peut trouver chez un psy, c’est représentatif de ce que l’on trouve chez un psychanalyste, nuance importante.
J’ai tendance à penser que le succès de la série est aussi lié à la temporalité. En effet, sa sortie en pleine crise pandémique durant laquelle la place de la santé mentale dans notre société est questionnée tant politiquement que médiatiquement, doit probablement accentuée l’intérêt du public.
Ce que j’y trouve de particulièrement intéressant c’est la démystification de l’accompagnement thérapeutique. En France consulter demeure bien souvent un tabou. On continue à dire et à entendre « je vais voir quelqu’un », comme si ce quelqu’un était un sorcier! Dans nombre de pays, de cultures, consulter un psy est tout ce qu’il y a de plus banal, voire même il est bien vu de le faire, ou plutôt il n’est pas bien vu de ne jamais l’avoir fait.
Je reviendrai sur ce point, la représentation du psy en fonction des cultures, lors d’un futur article.
C’est sans conteste une des répercussions possibles positives de la série : permettre à tous ceux qui en ressentent le besoin de franchir la porte d’un cabinet. Attention cependant à ne pas s’attendre à y trouver ce que l’on voit et entend dans la série. D’abord parce que tous les psys n’ont pas la même orientation. Ensuite parce que ce serait très réducteur et idéalisé. Enfin parce que le travail thérapeutique nécessite une alliance entre le patient et le thérapeute, et parfois on ne la trouve pas dès la première porte.
Un autre point que je trouve très important et que la série respecte, c’est la notion de confidentialité. Je ne m’étends pas pour ne pas spoiler, mais le respect du secret professionnel est fondamental dans l’exercice de notre métier, la série le retranscrit bien. Nous avons un code de déontologie, qui est une partie du socle de la confiance entre patient et thérapeute. C’est un peu comme à Vegas : tout ce qui se passe dans le cabinet reste dans le cabinet!
« En thérapie » : une série que je valide, en tant que psy, mais pas seulement!